En tous les cas, pas moi, je suis plutôt gaine en téflon. S’il s’agit de porter la culotte dans un couple, c’est une vraie question, ami lecteur. Ne te l’es-tu jamais posée, tandis que tu observais un couple de ta connaissance ? Ni même ton propre couple, qui sait ?
Mes cobayes
C’est lors d’un weekend festif merveilleusement interminable que mon regard d’aigle myope (et probablement un peu saoul) s’est posé sur un couple d’inconnus. Elle, gaillarde, garçonne, musclée comme un chien de chasse, des yeux clairs et glacés, et une bouche si grande qu’il n’y avait la place pour rien d’autre sur son visage. Lui, grand, peut-être, mince, mais à y réfléchir, j’ai un doute … je dirais qu’il devait être … moyen dans toutes ses caractéristiques physiques observables. Et pour le reste, je ne saurais trop le décrire tant il était transparent. Il était l’ami direct de l’hôte. Elle, pour dire les choses de façon triviales, était une « pièce rapportée ».
J’ai pu observer chaque individu séparément en tête à tête et mes premières analyses m’ont conduit à les considérer bel et bien comme deux être-vivants à part entière (oui, ami lecteur, quand on rencontre un couple, ça n’est pas toujours évident).
Lui a un humour décapant pour peu qu’on l’entende, car, somme toute, il reste très discret, mais il peut rigoler fort et facilement : c’est le bon pote par excellence. Elle est d’un abord complexe et plutôt froid, mais peut s’avérer sympathique et dotée d’un joli sourire si on a le goût de s’intéresser à elle et la patience de gratter les couches de glaces.
J’ai pris également le temps de les observer attentivement et individuellement dans leur milieu social. Lui naturel et simple, jamais pilier d’une conversation, mais, pas nécessairement en retrait. Il est joyeux, a la blague facile et le rire communicatif. Elle a un avis sur tout, autoritaire et la critique vive, la bouche toujours ouverte et déformée par des grimaces de mécontentement, directive, bref, elle pourrait tout aussi bien parler allemand.
Mon observation finale fût celle des deux ensemble dans leur milieu social naturel, où, ô stupeur, elle était la tête pensante de l’informe créature qu’était leur couple. Elle, autoritaire, lui donnait des ordres qu’il exécutait parfaitement. Lui, silencieux au reste du monde, marmonnant des mots inaudibles à son oreille à elle ; et elle, exprimant, de son énorme bouche, un avis ou une idée que chacun pouvait entendre que cela l’intéresse ou non. A l’instar de cette scène mémorable où il lui soufflât quelque chose à l’oreille qu’elle déclamât aussitôt après analyse et approbation, à la cantonade et au travers du brouhaha général : comme tout couple face à une effervescence sociale trop intense dans un milieu restreint, passé 23h, ils étaient fatigués.
(Je ne m’arrêterai pas sur le fond de l’information. Et, si tu te poses la question, ami lecteur, non, ils n’allaient pas s’isoler pour profiter d’un peu d’intimité : comme tous les invités ou presque, ils trouveraient Morphée dans le salon, endroit-même où se passait la soirée qui battait son plein et qu’ils auraient bien aimé voir se vider dans l’instant pour entamer au plus tôt une nuit salvatrice. Par chance son autorité n’avait pas de prise en ce sanctuaire, elle n’était pas chez elle et le cénacle avait encore quelques bouteilles à finir.)
Bref, l’ensemble de ses interactions sociales à lui passaient par elle. Il lui faisait parvenir des informations qu’elle analysait, filtrait, corrigeait, complétait, décidait et enfin déclamait au monde. Il était invisible et silencieux, et elle s’imposait, elle s’exprimait et décidait pour eux deux (et accessoirement pour tous les autres).
Bref, elle portait la culotte.
Qui porte la culotte ?
En général, ça n’est pas si évident. Je ne doute pas, amis lecteur, que peu de couples de ta connaissance soient aussi caricaturaux. Soit parce que si l’un domine l’autre, ça n’est pas nécessairement flagrant de prime abord. Soit, et c’est généralement le cas dans un couple qui marche, un équilibre et un respect mutuel permet à chacun d’exister indépendamment de l’autre, et d’exister sans écraser l’autre.
Ce que j’ignore
Pour mon petit couple de cobayes, ce que j’ignore c’est ce qu’il se passe derrière les portes closes. C’est peut-être lui qui fait preuve d’autorité et qui prend les décisions dans leur intimité. Et qu’elle, si égophage en publique, est tout sucre tout miel une fois à la maison. Mais je ne le saurai jamais.
En conclusion
Ami lecteur, ne deviens jamais l’un d’eux. J’aime à croire qu’un couple qui dure s’arrange d’une certaine forme d’équilibre. Et qu’il n’y a pas besoin de chercher loin de ce qui est observable, pour trouver de la tempérance et de la mesure. Aussi, sois à l’écoute de ta moitié, si elle est en retrait, fais-lui de la place. Si tu es de nature à t’imposer facilement et que ta moitié est timide, ne crois pas lui rendre service en parlant ou en agissant pour elle en société. D’un point de vue extérieur, c’est juste glauque.