Ami lecteur, voila trop longtemps que je n’ai pas nourri ta faim d’articles. Je te vois, depuis deux semaines interminables, la face luisante, haletant, en sueur, les yeux injectés de sang rivés sur ton écran, actualisant la page de Single EXperiment toutes les 15 secondes … en vain. Tremblant, l’écume aux lèvres, inlassablement, de ton clic gauche fébrile, tu ne renonces pas et espères. Et tandis que les jours deviennent nuits, puis jours, puis nuits encore, tandis que la pâle lueur de ta dalle LCD tire d’inquiétantes ombres dans lesquelles se dissimulent peu à peu tes démons les plus noirs, ta patience trop éprouvée fait place à la rage, puis la folie, faisant rejaillir la bête toxicomane en manque qui sommeillait en toi.
Je te donne enfin ta dose.
Le travail, ce truc sans lequel, tu n’es rien aux yeux de beaucoup. Parfois, ta fierté, ta gloire, ton égo, ta bite. Souvent ton identité. Car oui, à la question « que fais-tu dans la vie ? » tu répondras généralement « je suis … ». Je travaille donc je suis. Mais non, je ne suis pas mon travail … quand bien même les semaines que je viens de passer, ces longues semaines de silence bloguesques, auraient pu semer en moi le doute.
Connais-tu ces périodes où tu n’es plus qu’une machine à bosser ?
La course au sommeil est sans compromis et tu ne la gagnes que trop rarement, te laissant parfois vaincre par une nuit blanche ou deux. Les quelques heures de sommeil que tu t’accorderas seront semées de rêves glauque se résumant à reproduire les taches qui ont balisées ta journée. Ta vie sociale n’est plus. Ton ravitaillement énergétique est aléatoire et se fait à coup de plats près-mâchés de supermarché 3-2-1 (3 euros, 2 minutes au micro-ondes, 1 minute à engloutir), de nouilles déshydratées si tu es chanceux, de quelques miettes de fond de paquet de biscuits au pire ou autre léchages de papiers gras. Ton hydratation est composée à 95% de caféine. Ton hygiène est vague. La lumière du soleil te brûle les yeux, ta peau blafarde tend vers une étrange transparence. Tel le zombie tu ères entre deux mondes, celui des vivants t’es étranger, et pourtant tu n’es pas mort encore. Tes seuls discours sont d’étranges onomatopées monosyllabiques grognés entre deux clics de souris « mmmh ». Mais il t’arrive également d’user de mots courants dans un effort ultime « manger » ou « dormir » seront de ceux là. Tu es une bête, un animal, une machine. Tu sers une gloire qui sera rarement la tienne (celle de ton boss ? celle du capitalisme ? que sais-je …). Tu es un outil, un instrument, au service de ce dessein inconnu. Tu n’es plus toi. Tu es ta profession.
Quel rapport avec notre sujet ?
Ami lecteur, si tu sais de quoi je parle et si tu es célibataire, en ces circonstances exceptionnelles, qui deviennent rapidement d’une banalité affligeante, tu te féliciteras plus d’une fois de ne pas avoir eu à appeler l’élu(e) de ton cœur, la mort dans l’âme, pour lui annoncer une nouvelle grave du genre :
« Oui allo ? Bonsoir mon amour … non, non, je ne rentre pas tout de suite là, j’ai encore des choses à finir avant … oui, vas-y dines sans moi, je me ferai réchauffer les restes en rentrant »
Car là ce qu’il comprend s’apparente plus à :
« Oui salut pauvre tache, j’aime plus mon travail que toi et diner avec ta sale gueule me saoule, je préfère bouffer seul(e) la tambouille degueu’ que tu auras daigné me laisser espèce de sale goinfre ! Te voir 6h par jour c’est déjà bien trop !»
Ou bien :
« Oui allo Chéri(e) ? Ne m’attends pas pour diner, je mange avec mes collègues au bureau ce soir, on a encore du travail à boucler avant demain. Je rentre tard et je te retrouve au lit si tu veux aller te coucher tôt. »
Il comprendrait trop facilement :
« Ouais pauvre conne / ducon ? Je passe ma soirée avec les collègues avec qui je m’amuse beaucoup ! J’espère que tu dormiras quand je rentrerai, histoire d’être certain(e) de ne pas avoir à te parler ou voir ta tronche de cake … ah oui, je suis heureux/se de rester au travail : il y a Cindy, ma collègue trop bonne qui m’excite bien plus que toi / John, mon collègue trop beau, et qui a un sexe plus gros que le tien avec moi»
Ou encore :
« Oui mon cœur, je suis désolé(e), je dois rester travailler toute la nuit, j’essaie de te croiser au petit dej’ demain matin, mais on a ce gros dossier à traiter à temps. Je te demande pardon, je me rattraperai ce weekend, je t’aime. »
La il comprendra :
« Salut cocu ! Je baise avec John/Cindy ce soir, ciao. »
Voila grossièrement ce qui résume une interprétation à double langage basique lorsque qu’il s’agit de s’excuser de rentrer tard du travail.
Puis de retour à la maison, il faut rassurer l’autre …
« Pourquoi tu ne veux pas faire l’amour ce soir ??? Tu couches avec John/Cindy c’est ça ? Hein ?? »
« Chéri(e), arrête de dire des conneries, tais toi, et laisse moi dormir »
Qui dirait ça ? Personne de sensé aimant sa moitié. Et pourtant c’est tout ce qui vient à l’esprit. Pour peu que l’autre soit méfiant, il faut se justifier, s’employer à le rassurer des heures pour ne pas l’inquiéter. Bref, déployer une énergie folle à des choses futiles alors que notre seul et unique besoin pendant et juste après ce genre de période, c’est DORMIR ! Autant coucher avec John ou Cindy de la compta’, ces prises de tête en vaudront vraiment le coup !
Une solution serait de sortir avec l’un de nos fameux C ! Sortir avec son/sa collègue rendra la vie autrement plus facile, c’est évident. Reporte-toi donc à l’article Comment gérer une relation avec l’un des 3C : le collègue ? pour en savoir plus. Vous attendrez alors avec impatience que vos autres collègues s’en aillent à l’heure et vous apprécierez certainement bien plus de rentrer tard ensemble.
Pour l’heure, je m’en vais dormir 12 petites heures, me reposer, sans me justifier, sans autre forme de procès, sans cérémonie, et hélas, sans sexe, certes, puisque bien loin de ma marmite sociale, à mon grand damne, car tous ces avantages ne vont pas sans un minimum d’inconvénients.
Bosser tard ça craint !
Que je me retrouve dans celui là ^^