Ami lecteur, un nouveau poncif ô combien mâché, remâché, prédigéré et recraché que je mastique une nouvelle fois pour ton plaisir, ta distraction, ta pause-café, tes yeux avides de clichés. Nous voilà justement en plein stéréotype nauséeux, à la limite de la décence, tant cette phrase d’une banalité affligeante et si commune n’est pourtant jamais prononcée sérieusement dans la vraie vie. Ami lecteur, j’espère que tu apprécieras que je fasse comme si c’était le cas.
Communiquons
Nous y voilà donc, la communication … cô-muh-nih-khâ-ssion. La pierre angulaire, la condition nécessaire et bien insuffisante à une vie de couple réussie. C’est le ciment de l’édifice ! Tâchez-donc de monter un mur sans ciment : les briques s’empilent (on me dit que dans le couple aussi on s’empile, et je ne comprends pas) mais s’ébranlent à la moindre intempérie (on me dit avec un accent bizarre que s’ébranler aussi ça se fait même en couple … décidément, c’est une forme d’humour qui m’échappe). Mais trêve de métaphores interrompues par des interventions douteuses. Ce « il faut qu’on parle », comme une chape de plomb, s’abat sur toi quand tu t’y attends le moins.
Instinct de survie
Le « il faut qu’on parle » est grave. Avant que tu ne comprennes ces 5 mots intelligiblement, ton sang se glace et en un instant, l’air se fait lourd, ton pouls s’accélère, tes glandes sudorales s’activent, tes muscles se tendent, ton corps se crispe, tes pupilles se dilatent, c’est le pic d’adrénaline. Ces mots raisonnent en écho lointain à tes oreilles à l’ouïe soudainement décuplée alors que ton cerveau entame à peine son analyse. Ce mécanisme biologique basique permettait à nos ancêtres de sauver leur peau en fuyant face à un prédateur avant même d’avoir compris ce qu’il se passait. Mon premier conseil sera donc de suivre ton instinct et de fuir loin et très vite. Si la nature nous a dotés de ce genre d’automatismes c’est qu’ils ont une bonne raison d’être. Autant s’en servir n’est ce pas ?
Tout ton corps te pousse donc à fuir dès lors qu’un de tes interlocuteurs prononce cette phrase. Et pour cause ! Ton inconscient sait qu’il ne sort jamais rien de bon d’une conversation commençant par un « il faut qu’on parle ».
Qu’est-ce donc que cela ?
Le « il faut qu’on parle » est à la fois l’aboutissement d’une réflexion intime d’une personne et l’introduction à l’extériorisation d’une sentence concertant un tiers.
Cette phrase n’est pas très claire ? Je m’en vais t’en livrer quelques exemples édifiants et réalistes pour que tu en saisisses un peu mieux encore la teneur.
Exemple 1, dans le milieu professionnel
« John, j’attentais le compte rendu de la réunion d’hier il y a deux heures, il faut qu’on parle ». Il est clair que dans cet exemple, John est sur le point de passer du statut de chargé de mission interplanétaire dans une grande compagnie de protection pour adulte contre l’incontinence à base de sciure de bois à celui de chômeur !
Exemple 2, dans le milieu familial face à l’instituteur de ses enfants
« Bonjour Mme Machin ! Il faut qu’on parle de votre petit Kevin ». On peut penser que comme l’interlocuteur évoque l’objet de cette conversation qu’il souhaite imposer, l’attaque est moins violente. Eh bien non ! Il est clair ici que l’instituteur est sur le point d’évoquer les dessins morbides bariolés de rouge-sang et de taches noires du petit Kevin et de vous faire part de ses craintes quant à la santé psychologique de votre enfant qui sort tout juste du centre pénitentiaire pour mineur.
Exemple 3, dans le couple (puisque c’est un peu le thème de ce blog si je m’en souviens bien …)
« Cindy, il faut qu’on parle … ». Il est clair que cette phrase sera suivie, au choix, de « … je te quitte » et/ou de « ... je t’ai trompée avec Brenda ».
En résumé, le « il faut qu’on parle » ne présage jamais rien de bon. Il est l’annonciateur lugubre des sombres jours à venir. Il est le glas. Il marque la fin d’une ère paisible.
La fin d’une ère
Dans le couple, particulièrement, l’exemple précédent (« je te quitte ») n’est pas l’issue systématique. Si un « il faut qu’on parle » marque la fin d’une ère, il n’impose pas toujours la fin de la relation.
Quelques fois, l’autre prononcera la phrase fatidique en vue d’introduire un dialogue afin de mettre un terme à une situation qu’il/elle ne peut plus supporter.
« John, il faut qu’on parle. Ça fait 3 ans que tu ne m’as pas donné d’orgasme, … » On remarquera ici deux choses :
1 Que Cindy est bougrement patiente !
Et 2 Qu’elle souhaite que les choses s’améliorent et ne prévoit pas de quitter John dans l’immédiat.
Attention cependant car ce dernier est sur une pente glissante, et s’il continue d’être égoïste au lit, le prochain « il faut qu’on parle » sera certainement celui de la rupture.
Dans une relation de couple, le « il faut qu’on parle » (n’évoquant pas des tiers) introduira donc indifféremment l’un de ces deux types de conversation : la mise en évidence de problèmes d’ordre sexuels au sein du couple ou l’annonce d’une rupture.
Comment s’en défaire
Le « il faut qu’on parle » est une petite phrase de cinq petits mots qui assomme et met à terre les plus valeureux, elle est inévitable. Tu ne peux luter contre la déferlante de désespoir morbide qui t’assaille dès que cette conversation imposée commence. Tu ne pourras pas luter car l’autre aura déjà préparé tout son fil argumentaire à l’avance et t’aura évidement pris par surprise. Sache que le combat est déjà perdu dans ces conditions.
En revanche, il y a une parade. Avant que l’autre ne déballe son monologue de complaintes, tu réponds que tu ne veux pas lui parler sous un prétexte quelconque.
« -Cindy, il faut qu’on parle …
-Non, j’appelle mon contrôleur judiciaire là »
Cette entourloupe pourra peut-être prolonger l’ère paisible pour un temps, te permettant de te préparer à l’affrontement inévitable à venir. Tu seras obligé de combattre, mais grâce à cette parade, tu pourras choisir de combattre armé. Tu te seras préparé à répondre aux attaques par d’autres attaques, à employer la mauvaise fois sans vergogne si les circonstances l’obligent et à assommer l’autre de reproches pour l’achever salement dans la boue d’où il rampera à tes pieds pour tenter de s’en extraire. Bref, tu te donnes une chance de gagner.
Ami lecteur, te voilà paré. Tu es maintenant en mesure de faire face à n’importe quelle discussion commençant par le terrible « il faut qu’on parle ». La semaine prochaine, j’évoquerai la phrase « j’aurais dû écouter ma mère », puis « putain ! Tu laisses des cheveux partout grognasse ! ». Je te laisse le soin de consulter la page Facebook, ou de suivre ce blog sur twitter (@singlexperiment) pour connaitre l’arrivée d’un prochain article !